Vous êtes parent d’un enfant en maternelle? En primaire? Ou même au collège? Vous êtes adulte avec des difficultés de lecture? Cet article vous montre comment apprendre à lire à votre enfant ou à vous-même sur la base des neurosciences et de la pédagogie des gestes mentaux d’Antoine de la GARANDERIE.
Pourquoi cet article vous aidera à apprendre à lire à votre enfant
Des fondements scientifiques
Les neurosciences sont fascinantes. Elles nous en apprennent chaque jour davantage sur le fonctionnement de notre cerveau. Le livre du neuro-scientifique Stanislas DEHAENE « apprendre à lire » nous dévoile par exemple les mécanismes neuronaux de l’apprentissage de la lecture.
Mais vous n’êtes sans doute pas intéressé par les explications théoriques. Vous préférez peut-être du concret. J’en ai conscience. C’est pour cela que j’ai rédigé une partie de cet article qui vous intéressera davantage. Car il vous donnera des astuces pour favoriser le « comment apprendre à lire » de votre enfant. Les conseils pratiques, sans les explications théoriques, sont donnés directement en seconde partie (paragraphe en vert).
L’exposé simplifié des mécanismes de la lecture permet de justifier les astuces que je vais vous présenter. Ces dernières ne sont pas magiques. Elles sont assises sur des fondements scientifiques éprouvés (paragraphe en vert en cours).
La connaissance du langage parlé, un atout considérable pour apprendre à lire
Les neuroscientifiques nous apprennent que lire, c’est reconnaître des lettres, des syllabes et des mots vus sur le papier. Ce sont les graphèmes. Puis c’est les associer aux sons composant le mot, c’est-à-dire les syllabes. Ou phonèmes. Ces sons sont ensuite reconnus par le cerveau par le sens qu’ils portent. Cela suppose pour l’enfant d’avoir entendu les semaines, mois ou années précédents suffisamment de mots, donc d’avoir suffisamment de vocabulaire.
Mais cela suppose également d’avoir la capacité à distinguer les syllabes, à décomposer le mot en phonèmes. Cela n’a rien d’évident pour un enfant de maternelle. Par exemple, la phrase « je mange un ananas » constitue si on l’écoute un flot continu de sons. Mais une analyse « acoustique » met en avant le son « je » de la lettre « j », puis le son « eu » de la lettre « e », suivi du son « me » de la lettre « m », du son « an » du phonème « an » et ainsi de suite. L’enfant ne prend pas conscience de cette décomposition acoustique de la phrase qu’il comprend pourtant quand on la prononce. L’apprentissage de la lecture va lui permettre cette décomposition et cette prise de conscience de l’existence de syllabes. Les neuro-scientifiques parlent de « conscience phonémique ».
Le cerveau doit apprendre à reconnaître les lettres et groupes de lettres, et à les associer à leur prononciation
Une zone du cerveau, dans l’aire visuelle, est spécialisée pour la reconnaissance des objets, des visages et des formes géométriques. Une partie de cette zone va, au cours de l’apprentissage de la lecture, se spécialiser dans la reconnaissance des lettres, des syllabes et des mots. Un entraînement régulier à la lecture permettra de développer cette zone pour rendre le cerveau plus performant.
Reconnaître visuellement les composants du mot est nécessaire. Mais il faut les associer aux sons produits quand on les prononce. Ces sons vont être traités par la région du cerveau en charge du sens. C’est ainsi qu’en bout de chaîne, l’enfant, après avoir lu, comprendra ce qu’il a lu. Exposer l’enfant à la vue des lettres et des syllabes est insuffisant. Il faut lui enseigner la correspondance entre ces lettres et leur prononciation. Des expériences ont été conduites pour montrer ce résultat (Byrne, B., & Fielding-Barnsley, R. (1991). Evaluation of a program to teach phonemic awareness to young children. Journal of Educational Psychology, 83(4), 451–455).
Pour apprendre à lire, il faut apprendre à faire attention
Ci-dessus, nous avons vu que pour apprendre à lire, il fallait bien faire attention aux syllabes entendues et aux lettres et groupes de lettres. Dit autrement, il faut prêter attention à ce qu’on entend et à ce qu’on voit. Il faut développer sa conscience phonémique et sa capacité à analyser les mots à différents degrés de détail.
L’apprentissage d’un nouvel alphabet diffère considérablement en fonction de l’approche adoptée : globale ou focale. Lorsqu’on enseigne à une personne que les mots sont formés de lettres représentant des éléments essentiels du langage parlé, elle acquiert rapidement la capacité de lire. C’est ce qu’ont montré les travaux de la scientifique Yoncheva (Attentional Focus During Learning Impacts N170 ERP Responses to an Artificial Script).
S’entraîner à écrire facilite la lecture
L’écriture présente plusieurs vertus dans l’apprentissage de la lecture.
D’une part, le cerveau est habitué à reconnaître un objet et son image dans un miroir comme un unique élément. C’est le cas du cerveau de l’enfant. En s’entraînant à écrire, l’enfant prend conscience, à la faveur de la région dorsale de son cerveau, de l’orientation des lettres. Ecrire « b » et « d » lui montrera que ces deux lettres diffèrent l’une de l’autre. De même que les lettres « p » et « q ».
D’autre part, écrire les lettres lui fait prendre conscience du sens de la lecture, de gauche à droite. Il comprendra que les graphèmes « pa » et « ap » sont différents l’un de l’autre.
Comment en pratique aider votre enfant à apprendre à lire?
Les résultats scientifiques exposés au premier paragraphe pèsent de tout leur poids dans l’efficacité des conseils pratiques qu’il est possible de donner pour aider votre enfant. La mise en oeuvre des principes de la gestion mentale renforcera l’efficacité de ces conseils.
Dès le plus jeune âge, votre enfant doit tremper régulièrement dans un bain de mots et de sons
Voici quelques propositions pour habituer votre enfant aux mots et aux sons.
Racontez-lui beaucoup d’histoires, et faites des pauses régulières, pour lui laisser le temps d’évoquer
Lorsque vous racontez des histoires à votre enfant, faites des pauses régulières dans votre récit pour lui laisser le temps d’évoquer (au sens de la gestion mentale) mentalement les personnages et les actions. Lorsque vous racontez par exemple l’histoire des Trois Petits Cochons à votre enfant, après avoir décrit la maison de paille, faites une pause de quelques secondes. Demandez à votre enfant : « A quoi ressemble la maison que je viens de décrire ? Peux-tu l’imaginer dans ta tête ? ». Laissez-lui le temps d’évoquer mentalement cette maison avant de poursuivre votre récit. Vous pouvez aussi mimer la paille qui vole au vent pour l’aider à se représenter cette maison fragile.
Chantez et mimez avec enthousiasme des comptines en y mettant le ton et les gestes. Marquez des temps d’arrêt entre les vers ou les phrases pour permettre à votre enfant de revivre intérieurement les mots et les sons.
Jouez à des jeux d’attention auditive, comme repérer des bruits de la maison ou de la nature. Nommez ensuite ce qui a été entendu pour associer le son et le mot correspondant.
Inventez des jeux vocaux rigolos, en modulant votre voix
Inventez des jeux vocaux rigolos, en modulant votre voix, pour explorer ensemble les rythmes et les intonations. Jouez à reproduire des bruits d’animaux en modulant votre voix : faites le cri du coq « cocorico », le miaulement du chat « miaou », le barrissement de l’éléphant « pouët pouët », le croassement de la grenouille « coa coa ». Votre enfant s’amusera à vous imiter.
Amusez-vous à déformer des mots en changeant les intonations : dites « boooonjouuur » avec une voix très grave puis « booonjooouuur » avec une voix aigue. Votre enfant répétera avec plaisir.
Jouez avec les rythmes en tapant dans vos mains sur des mots : tapez dans vos mains en disant « mamamamama » très vite puis « tatatatata » très lentement. Votre enfant reproduira en s’adaptant aux changements de rythmes.
Chantez des comptines traditionnelles en exagérant les intonations : montez très haut dans les aigus sur certains mots, descendez très bas dans les graves sur d’autres mots. Les enfants adorent ce jeu vocal.
En jouant avec les sons de manière ludique, votre enfant développera ses capacités d’observation et de reproduction auditive, ce qui l’aidera à acquérir les bases du langage.
Verbalisez vos actions et nommez les objets pendant vos activités quotidiennes, pour plonger votre enfant dans un bain de langage constant.
A l’aide des évocations de la gestion mentale, entraînez votre enfant à associer les lettres à leur prononciation
Vous pouvez faire prendre conscience à votre enfant des différents sons produits par les lettres et les syllabes. Par exemple, lui faire prononcer distinctement chaque lettre d’un mot simple, puis chaque syllabe. L’inviter également à évoquer auditivement (en entendant dans sa tête votre voix ou la voix d’un tiers) ou verbalement (en entendant dans sa tête sa propre voix) ces sons lorsqu’il voit les graphèmes correspondants. Cela permettra d’établir les correspondances entre graphèmes et phonèmes. Voici quelques exemples concrets:
- présentez à votre enfant des syllabes simples comme « ma », « mi », « mu » écrites sur des cartes. Demandez lui de les lire à voix haute, en prononçant bien distinctement chaque lettre. Après avoir caché les cartes, demandez lui d’évoquer auditivement ou verbalement ces syllabes. Puis d’évoquer visuellement les groupes de lettres « ma », « mi », « mu ». Demandez lui d’évoquer visuellement et auditivement « ma » dans une même évocation;
- puis, montrez seulement le graphème « m » et demandez lui d’évoquer auditivement ou verbalement le son [m]. Faire de même avec d’autres graphèmes voyelles comme « a », « i », « u »;
- écrivez une liste de mots monosyllabiques simples comme « lit », « lac », « bus », « main ». Demandez à votre enfant de lire chaque mot à voix haute en détachant bien les sons. Puis, présentez lui seulement la première lettre de chaque mot, et invitez le à anticiper le mot entier en évoquant auditivement ou verbalement le son de cette lettre.
Apprenez à votre enfant à développer son attention
A partir de ce qu’il voit
Pour être attentif en regardant, présentez à votre enfant une image. Puis retirez la. Demandez lui de garder les yeux fermés et d’évoquer mentalement le maximum de détails qu’il a pu percevoir. Invitez le à « voir » l’image dans sa tête, à la décrire intérieurement, à faire appel à son imagination.
Guidez le dans ce travail d’évocation en lui posant des questions pour stimuler la remémoration des détails (couleurs, formes, personnages, etc). Ensuite montrez lui de nouveau l’image et voyez avec lui ce qu’il a correctement mémorisé.
L’objectif est de développer sa capacité d’attention visuelle en sollicitant des perceptions successives de l’image, et en activant son imagination pour en garder une trace mentale précise. Cette démarche s’appuie sur le « geste d’attention » propre à la gestion mentale.
A partir de ce qu’il entend
Pour être attentif en écoutant, on peut lui faire écouter attentivement un extrait sonore court (bruits d’animaux par exemple). On lui demande de fermer les yeux, de se représenter mentalement les sons entendus, de les « réentendre » intérieurement. On peut ensuite l’inviter à décrire ou mimer ce qu’il a gardé en mémoire.
L’objectif est de stimuler son imagination pour qu’il parvienne à restituer intérieurement les perceptions sonores, avant de les restituer à l’extérieur par le mime ou le langage. Cette démarche s’appuie sur le « geste d’attention » de la gestion mentale.
Développez l’attention de votre enfant pour identifier un son identique entre deux mots
Jouez à des jeux de discrimination auditive. Invitez le à se mettre en projet d’écoute attentive en sachant qu’il devra retrouver un son identique dans deux mots que vous prononcerez. Prononcez deux mots. Par exemple « lit » et « nid ». Faire une pause évocative après l’écoute, demandez lui de fermer les yeux et de revivre intérieurement les perceptions sonores des mots. De se remémorer les syllabes et les sons. Et d’identifier le son commun « i » qu’il a perçu et conservé par évocation mentale. Puis de dire à voix haute ce son identique repéré grâce à son attention auditive soutenue et sa mémoire des sons. Et demandez-lui de tapoter sur la table.
Répétez cet exercice d’écoute active sur d’autres paires de mots pour s’entraîner à ce geste d’attention sur le son des lettres.
Mais tout ceci apprend à déchiffrer: est-ce apprendre à lire?
Cette remarque montre votre impatience et votre sens critique, à juste titre. Oui, ce que j’ai abordé jusqu’à présent ne concerne que le déchiffrage. Mais lire, c’est d’abord déchiffrer. Et ce n’est pas évident pour tous les enfants. Les conseils donnés les aident pour cela. Dès le plus jeune âge, votre enfant peut se préparer à la lecture. Dans le jeu et le plaisir, dans la joie de la vie familiale. Et au delà, de 6 à 12 ans, ces conseils sont encore d’actualité.
Une fois franchie la première étape du déchiffrage, il faut travailler l’acquisition du sens des phrases, d’un paragraphe, d’un texte dans son ensemble. Nous verrons dans d’autres articles comment aider votre enfant pour cet apprentissage du sens. Pour développer son éveil, sa curiosité, et son plaisir. Mais si cela vous intéresse vraiment de lire un article complémentaire sur l’apprentissage de la lecture, je vous invite à me l’écrire en commentaire 🙂
Pour conclure, cet article a synthétisé dans ses grandes lignes le livre d’un neuro-scientifique renommé, Stanislas DEHAENE. Ce livre expose les fondements neuroscientifiques de l’apprentissage de la lecture. Je vous ai proposé d’en tirer des conseils pratiques, fondés sur la pédagogie des gestes mentaux d’Antoine de la GARANDERIE. Ils résultent donc du mariage des neurosciences et de la gestion mentale! Ils vous guideront pour apprendre à lire à votre enfant, dès son plus jeune âge.
Sentez-vous libre de liker cet article s’il vous a plu. Et de laisser un commentaire, pour me dire ce que vous pensez des conseils. Comment votre enfant les met-il en pratique? Est-ce efficace?
Merci pour cet article très instructif et qui apporte une aide dans l’accompagnement des enfants à la lecture, moment très symbolique pour les familles et parfois un peu stressant pour les parents et les enfants.
Super merci pour les conseils, vous donnez de bonnes idées pour varier l’apprentissage et surtout faire en sorte que l’enfant prenne du plaisir à lire. Parfois on est tellement focalisé sur l’objectif d’apprendre à lire à nos enfants qu’on leur met beaucoup de pression et qu’on en oublie que cela devrait être avant tout un plaisir que l’on peut partager avec eux. J’aime beaucoup l’idée de faire travailler les images mentales en faisant des pauses lors des lectures.
Merci Carmen pour votre commentaire. En effet, le plaisir est fondamental en gestion mentale, et lié je pense à la notion de « structure de projet de sens ». Il s’agit de ce qui nous fait vibrer, qui présente un sens pour nous. En se mettant en « projet de sens », l’enfant conduit son activité d’apprentissage de la lecture avec plaisir et motivation. Et les pauses que vous mentionnez en faisant référence à l’article sont nécessaires pour produire les évocations de la gestion mentale qui vont alimenter ce « projet de sens ». En somme, les pauses sont au service des évocations, elles-mêmes au service du « projet de sens » qui est au service du sens et du plaisir!
Merci pour ton article vraiment intéressant, excellents conseils pour stimuler l’apprentissage de la lecture et l’écriture dès le plus jeune âge. Bons conseils pour les parents et plus, je partage 😉
Ton article est plein de bons conseils pour permettre aux parents d’apprendre à lire à leurs enfants. J’ai vu qu’1 enfant sur 10 est en situation d’illettrisme en France, ce qui est énorme ! Ce sont des enfants qui ont été scolarisés en plus.
Merci pour article très instructif et riche en conseils concrets Je l’ai lu avec d’autant d’intérêt que je viens d’intervenir dans une conférence dédiée aux troubles du neurodéveloppement. Je vais le partager aux parents d’enfants dyslexiques.
Merci pour cet article très riche. Ma fille est dyslexique et la lecture est toujours un challenge au quotidien. Effectivement, il faut immerger nos enfants dès le plus jeune âge dans un environnement riche en mots et en sons. J’ai expérimenté plusieurs techniques : raconter des histoires, chanter des comptines, jouer à des jeux auditifs, etc. En fonction des périodes, ça marche plus ou moins bien. Ce qui marche bien : lui écrire des petits mots doux pour elle, ça la motive.
Merci pour votre commentaire, votre partage d’expérience, et votre intérêt pour mon article.
Rien ne vaut l’amour en effet, il donne des ailes … A rapprocher de la bienveillance, l’un des principes de la gestion mentale.
J’ai beaucoup aimé lire cet article et comprendre ces mécanismes d’apprentissage. Je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à mon apprentissage des langues étrangères et trouve une similitude lorsque qu’il me fallait déchiffrer et comprendre la construction vocale et écrite de ce que j’entendais.
Merci 🙏